
Á la fin tu es las de ce monde toujours si nouveau
Á la fin tu es las d’errer d’une femme à l’autre
Á la fin ne sais-tu pas que la vase du dégoût toujours retombe et que rien ne sert de penser toujours remuer son eau
Croyance! Croyance! crient les multitudes Adorons nos veaux d’or Oublions! Oublions!
Et ce sont les courses folles de leurs villes hautaines pour insulter le bleu du ciel
de leurs voyages en charters et en classes affaires pour prétendre détruire les nuages qu’ils n’ont pas Pauvres fous! su voir
Leurs fausses fêtes leurs morts de papes génuflexions honteuses et ignobles
crachats de pensées d’esclaves et de maîtres les uns ne valant pas mieux que les autres tant que l’esclave accepte le maître tant que le maître est maître tant qu’il y a encore un seul maître encore un seul esclave alors par millions les esclaves reviendront par millions les maîtres reviendront
Prodigieuses aventures des libérations marches vers un horizon infini marches sans fin marches admirables
Mais aujourd’hui parlent fort
Les faux rebelles
Les révolutionnaires ne croyant plus aux révolutions
Les bureaucrates les bureaucrates
Pensées petites
Amours de compromis
Révoltes mesurées
Autres obéissances
Nouvelles soumissions
Tout cela Tout cela
Tout cela t’obscurcit et tu es si fatigué si las Quand cela finira-t-il?
Ta nostalgie d’émotions infinies
Eux qui ne savent plus saluer le levain de l’être les perpétuels chants de vie riants le cœur ensoleillé
Insurrections!
Insurrections!
Chaque homme qui du cauchemar d’une vie de serf se réveille enfin homme
Libre celui-là
D’instinct et à jamais de mémoires même moquées il saura toujours ce que eux faux sages faux philosophes faux penseurs faux artistes faux révolutionnaires faux poètes ne comprendront jamais
Un homme qui se découvre homme le devient
C’est une aube nouvelle parmi mille aubes nouvelles
l’arbre qui fait la forêt fait la vie fait les planètes habitées C’est un rire d’allégresse infinie qui donne naissance aux voies lactées aux explosions d’univers qui naissent d’un simple atome réchauffé par le soleil du désir qui s’éveille
Tu t’es souvenu maintenant
Enfin maintenant tu sais que tu dois aller par delà la lèpre des choses t’enivrer de leur âme
Regarde Regarde comme cette eau du fleuve te sourit
et douce caresse d’être te dit Il faut vivre Il faut vivre
– Je sais Tu n’en es pas toujours si certain Je sais
As-tu oublié ?
Ne sais-tu pas que tu devais vivre des poèmes ?
Comment as-tu pu t’ignorer à ce point toi-même ?
Comment as-tu pu taire ce cri enfouir ce cri presque le laisser mourir ?
Mais tu t’en souviens maintenant
Après tant de leurres tu conclus qu’il faut se méfier du Langage se méfier des mots
Et tu as ordonné au poème en toi de se taire
de mourir
d’une mort à soi
d’une solitude à soi
Il est dur il est rude cet escalier à monter quand on n’est pas certain de pouvoir payer son loyer
Il est dur il est rude cet escalier à monter quand il faut vainement perdre sa vie dans des travaux sordides si mal payés
si étouffeurs de l’espérance
Il est dur il est rude cet escalier à monter quand ta tête n’a plus que le souvenir de ton Amour qui ne te comprend pas ton Amour que tu ne comprends pas
Chaque marche compte pour deux et ton pas est si lourd si fatigué
Il est dur il est rude cet escalier quand l’amour n’en enchante pas la montée quand la porte s’ouvrira après avoir longuement frappé oui mais la salutation n’en sera que la discussion du prix le plus bas possible de ton travail
Il est dur il est rude cet escalier qui ne monte pas à la réunion d’hommes qui discutent les arcanes d’une liberté à conquérir
Mais d’un salon embourgeoisé
D’un grand divan blanc
Grand écran plasma
Lecteur enregistreur dvd
Grand écran ordinateur mille GigaOctets
Console dernière génération
Très haut débit Internet
TNT
Paraboles
Satellites
Les comptes bancaires sont-ils bien assez gavés ?
Combien ? Combien ta parole vaut-elle ?
Il est dur il est rude cet escalier à monter et tu es si las de ce monde toujours nouveau et entre chaque marche un abîme de détresse s’ouvre sous toi
Ignorants du monde faux rebelles ils sont mécontents de tout ce qui n’est pas leurs seuls désirs ils veulent que le monde s’y plie mais en vérité déjà déjà leur absence de désir de comprendre ce qui est
Les prépare à la soumission aux désirs du monde dont ils ne seront plus que les derniers et plus pitoyables encore des défenseurs encore plus falots dans une chaîne honteuse de dégradations successives dans la non révolte
Et pourtant
Tout bouge
Tout sent
Tout frémit
Tout crie
Pousse ton cri
toi aussi
N’es-tu pas revenu des ténèbres ?
N’as-tu pas tenu entre tes bras le corps de l’aimée entre tous ?
et ce jour-là la mort en toi a tout submergé
Comme quand les mers meurent et les beaux fleuves à la moire si satinée et si douce au regard s’enfuyant laissent la désolation des carcasses des voitures, des caddies de supermarchés et des pires immondices jamais laissés par les hommes outrages à la vie
Rappelle-toi
Tout crie
Comme le grand jour le jour ancien entre tous les jours anciens le jour où des plus profondes ténèbres surgit puissant le grand cri de l’Être perçant le Néant
Alors de terrifiantes ondulations remuèrent les tréfonds des mondes naquirent les soleils naquirent les planètes et enfin vinrent les puissantes et obscures germinations des montagnes et des océans et des fleuves et des plaines
Êtres de paille nous sommes créatures à jamais de hasards vies incompréhensibles passants falots balancés en tous vents
à peine et si légèrement ancrés dans le bitume des ponts secoués hystériquement par des puissants vents ivres de destruction de tout
Destinés à la chute dans l’éternité de l’oubli
À être jetés dans la gueule de la mort
Freiner d’une seconde la disparition définitive dans un immémorial océan de temps n’est qu’une amère illusion une pitoyable raillerie à soi-même
Amer et horrible rictus
Nul ne peut être poète s’il ne s’assied au pied d’un très vieil arbre son seul abri et semaines et mois le faisant enfin devenir de l’intérieur arbre, et que cet arbre semaines et mois le font devenir de l’intérieur toi
Aujourd’hui
Tu sens cette immense extase poétique d’être au monde
Tu sens chacune de tes feuilles, tu sens cette feuille dans sa totale et irréductible unicité
